Je n’avais jamais participé à une réelle dégustation de vins de Champagne... je pensais comme ça que tous se ressemblaient, que c’était surtout une histoire d’étiquettes, qu'on spéculait à qui mieux mieux sur des bouteilles dont le prix était largement déconnecté de la qualité intrinsèque.
Champagne, je ne te hais point
Eh bien, comme dans toute dégustation, la variété des goûts et des arômes a été au rendez-vous… L'effervescence rend cependant l'exercice plus difficile, les bulles camouflent certaines nuances et "obnubilent" les papilles ! Mais il y a quelque chose d'autre de regrettable avec le champagne, qui nous empêche de l'apprécier autant qu'il le mériterait parfois. C'est qu'on le boit essentiellement lors d'occasions festives, ces occasions qui en polarisant la joie dans une direction (anniversaire, mariage, en tout cas attroupement jovial) détournent l'attention du champagne ! On est heureux comme personne de tenir cette flûte entre nos doigts, d'y porter les lèvres entre deux bribes de conversation ; jamais pourtant nous ne nous concentrons sur le lot de sensations que cet or parsemé de fines bulles procure !
Le champagne est presque toujours un symbole de fête, une injonction à la bonne humeur, un tremplin délicat vers des sensations plus fortes... Je dis que c'est dommage de ne pas découvrir le champagne dans d'autres situations ! où il est le but, et non le moyen !
Certains grands champagnes en valent vraiment la peine, croyez-moi.
Larmandier-Bernier, ou la porte du Paradis
Reprenons le récit de nos aventures champenoises : nous sommes donc d’abord allés chez Larmandier-Bernier, à Vertus dans la Côte des Blancs. La gamme de vins qu’ils produisent est essentiellement issue du Chardonnay (Blanc de Blancs), à qui la craie du Campanien apporte un dénominateur commun : cette fraîcheur délectable. Ce sont des champagnes racés, crayeux, vifs mais profonds... La finesse domine, l'effervescence laisse vite sa place à d'autres sensations plus délicates, et l'impression en bouche s'éternise... Assurément spécial, inédit... la montée en gamme est réelle entre Latitude et Terre de Vertus, mais qu'on s'intéresse aux premières cuvées ou à celles prestigieuses, gardons en tête qu'une qualité équivalente coûterait le double dans une Grande Maison !
Alors comment boire un champagne d’étiquette après cela ? En tous cas, pour moi, c’est fini !
Les Champagnes Larmandier-Bernier sont d’ailleurs à la carte de nos plus prestigieuses tables, et les sommeliers de ces grands restos se trompent rarement, leur palais n’ouvre les portes des palaces qu’aux plus grands. Décidément, ces champagnes me font penser au dicton qui conseille de réserver les grands vins pour les petites occasions, pour savourer, et pas seulement trinquer puis siffler ! Eloi me fait remarquer après cette première dégustation, que nous recrachons moins qu’avec les vins tranquilles, cela est peut-être dû aux bulles... Ou à la magie ?
Champagnes Fleury, à la droite du Père
Le deuxième vigneron visité est à plus de 150 kilomètres... qui l’eût cru, c’est vaste la Champagne ! Nous sommes dans la Côte des Bars, bien au sud et proches de la Bourgogne.
Madame Fleury nous accueille comme des amis de longue date, Eloi (fils prodigue de retour) apprend à déboucher les bouteilles... pas si simple si l’on en croit les nuages de mousse au plafond que reflètent les flaques sur la table. Les vins sont cette fois majoritairement issus du Pinot Noir (Blanc de Noirs) et ce sont vraiment des « vins vineux », ils ont cette trame aromatique unique mais des goûts variés, une douce amertume, ce sont des champagnes de caractère, gastronomiques, donnant à voir un tout autre aspect de la région !
Nous sommes loin du tonic servi parfois, à grosses bulles et amertume mal calibrée. Ceux-là donnent envie d’être bus pendant tout un repas ; leur rosé de saignée par exemple, fidèle à son nom il accompagnera sans faiblir n’importe quel gibier en sauce. Vivent les Champagnes Fleury ! Bonne nouvelle, ils sont moins chers que les champagnes de marque type Veuve, Moët, Deutz, etc. Alors faites-y un tour ! Vous y reviendrez.
En définitive, les champagnes-artisans, disons ceux qui ne sont pas inféodés à des holdings énormes (LVMH par exemple), ceux restés dans des girons familiaux, ont quelques avantages précieux:
- D'abord, on ne cherche pas à reproduire un goût standard d'année en année ! Le terroir et le climat s'exprimeront différemment selon le millésime. De là l'artisan contre l'industriel (une Veuve aura toujours le même goût, correct... Moet, Ruinart, idem... L'objectif de ces maisons est justement de reproduire l'ADN de leur champagne, à l'allèle près, chaque année.)
- Ensuite, le budget marketing de ces domaines plus confidentiels ne représente pas un quart du chiffre d'affaires comme ça peut être le cas ailleurs, et les prix sont donc plus alignés sur les coûts de production (quoique les marges ne soient jamais anodines dans le coin).
- La poule aux œufs d'or reste dans la famille et les membres successifs la traient du mieux qu'ils peuvent, tout en restant humbles et cherchant constamment le progrès (la biodynamie des domaines Larmandier-Bernier et Fleury plaide dans ce sens).
Laissez un commentaire
Log in to post comments