Direction l’Alsace, nous passons par des bourgades inconnues, des terres d’exil, nous longeons Vesoul et Brel hurle dans nos oreilles. La France est belle ! Décidément, parcourir la France est un des avantages du métier.
L’Alsace, c’est propre, c’est chaleureux, on y est bien accueilli. Question dégustations, ce qui change des autres régions, c’est le nombre de vins à goûter. Qu’on compte en dizaines chez chaque vigneron.
Ici sont produits des vins de cépages : Riesling, Pinot Gris, Gewurztraminer, Sylvaner, Pinot Blanc, Pinot Noir, Muscat… il y a 7 cépages principaux qu’il faut multiplier par le nombre de parcelles, parce que l’Alsace est sise sur des sols et des sous-sols extrêmement variés, dont l'impact sur les vins est décisif ! Un Riesling de Muschelkalk se sera que lointainement apparenté à un Riesling du Clos des Frères. Le taux de sucres résiduels vient ensuite dédoubler certaines cuvées, car à cépage égal on retrouve des homologues doux ou secs. Régulièrement, plusieurs millésimes de réserve approfondissent encore la gamme…
Résultat : on déguste une trentaine de vins d’affilée à chaque étape de notre parcours ; croyez-moi, c’est compliqué ! Pour se souvenir de toutes les nuances qui font de chaque gamme un impressionnant dégradé, notre cahier d’écolier ne suffit plus. On distingue bien ces nuances d’un vin à l’autre, mais une fois l’exercice terminé, il est très difficile de les replacer sur le nuancier que constitue notre mémoire… Rester sur sa première impression pour faciliter la sélection, voilà la parade !
Jean Dirler et Ludivine Cadé dans la vigne
Nous commençons la journée par une visite chez Dirler-Cadé : gamme inépuisable et plus de 2 heures de dégustation ! La petite fille de la famille profite d’Eloi, qui tient un verre dans une main un feutre dans l’autre, pour prendre un cours de coloriage… Chez eux, la noblesse prédomine, l'équilibre de chacun de leurs vins est étonnant, les arômes débordent du verre, mais restent précis ! La trame est nette et longue... on serait presque prêt à troquer H2O contre une perfusion Dirler-Cadé ad vitam... Ces vins sont caractéristiques des cépages qu'ils subliment : goûtez donc voir au Grand Cru Kitterlé ce Riesling racé grand seigneur, il vous marquera, je vous fiche mon billet !
Ludivine qui orchestre la dégustation nous fait part de mille anecdotes sur son Alsace natale, et déplore avec nous la perte de vitesse de sa région, sur le marché national et international... On est forcé de conclure que les gens ne savent pas ce qu'ils ratent, qu'ils ignorent les trésors que cette contrée recèle ! Vous, vous êtes prévenus désormais !
Mathieu Deiss s'apprête à nous faire déguster !
Nous poursuivons avec Marcel Deiss, un des trois domaines mythiques d’Alsace. Qui a fait couler encre et larmes à ceux qui ont eu la chance d'en boire. L'un des fils nous reçoit, il nous tend une carte, ayant tout l'air d'un menu de restaurant, pour qu'on s'entende sur "l'itinéraire de dégustation". Je vous passe tous les augustes grands crûs que notre palais accueille au cours des deux heures qui suivent.
Mais il faut que vous sachiez que c’est le domaine qui a réinventé la complantation, soit le mélange « aléatoire » des différents cépages au sein d’une même parcelle. Pour eux, l’essentiel est le terroir ; pour nous, c’est une gamme plus réduite et donc plus facile à déguster. Ici, la complexité aromatique domine, mais toujours exprimée avec une grande finesse. Les vins sont aussi diversifiés que les terroirs qu’ils incarnent. Nous ne retrouvons pas les goûts tellement typés du Riesling, du Muscat ou du Gewurztraminer. Pour ça, Deiss est unique.
L'hiver bat son plein ; Etienne Loew, lui, taille sa vigne !
Nous terminons par Etienne Loew, qui a presque déjà tout vendu… Pas étonnant d’ailleurs, ce n’est pas cher et les Riesling sont chez lui souples, frétillants, rehaussés de ces notes salines caractéristiques, ces arômes de pierre à fusil si subtils, sans qu’il soit question d’acidité excessive…
L’Alsace, quitte à le répéter : c’est une mosaïque de terroirs unique en France ! Impliquant une diversité dans les vins sans équivalent. Encore une fois et de façon de plus en plus évidente, mes préférences vont aux vins blancs du « Nord » : Bourgogne, Loire, Alsace et Champagne, qui ont en commun une grande fraîcheur, de la finesse, de la tension et sont moins expansifs et lourds que leurs cousins sudistes. Enfin… tout de même, notre séjour dans le Languedoc et le Roussillon nous a rappelé que cette vision manichéenne (Nord contre Sud) était réductrice : il y a là-bas aussi des Blancs droits et tendus ! des vins Nordistes en somme !
J’allais oublié, tous les vignerons visités en Alsace suivent les principes de la Biodynamie, discussions passionnées au rendez-vous !
De retour à Paris, j’étais enthousiaste de ce périple mais j’avais une profonde envie de goûter un bon vin rouge, on s’est rabattu sur un Pommard et celui-là, nous ne l’avons pas que déguster, nous l’avons bu…
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